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L'Ombre hait la Lumière
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14 avril 2006

Blade Runner - La critique.

-BLADE RUNNER – La critique –

blade_runneur__affiche_fran_aise3Réalisateur : Ridley SCOTT. Production : Michael DEELEY. Scénario : Hamton FANCHER/David PEOPLES, d’après Philip K. DICK. Photographie : Jordan CRONENWETH. Chef décorateur : Lawrence PAULL. Directeur artistique : David SNYDER. Responsable des concepts visuels : Syd MEAD. Costumes : Charles KNODE. Montage : Terry RAWLINGS. Musique : VANGELIS. Sfx plateaux : Terry FRAZEE. Effets visuels : Douglas TRUMBULL/Richard YURICICH/David DRYER. Photographie des miniatures : Dave Stewart (mais non, pas le chanteur... bande de nazes...). Superposition optique : Robert HALL. Chef Maquettistes : Mark Stetson. Peintures sur verre : Matthiew YURICICH. Animation : John Walsh.

Interprètes : Harrisson FORD (Deckard), Rutger HAUER (Roy Baty), Sean YOUNG (Rachel), Edward James OLMOS (Gaff), M. Emmett WALSH (Bryant), Daryl HANNAH (Priss), William SANDERSON (J.F. Sebastian), Brion JAMES (Leon Kowalski), Joe TURKEL (Docteur Eldon Tyrell), Joanna CASSIDY (Zhora (alias Miss Salomé), James HONG (Chew), Morgan PAULL (Holden), Kevin THOMPSON III (Bear), John Edward ALLEN (Kaiser), Hy PYKE (Taffy Lewis), Kimiko HIROSHIGE (La Cambodgienne), Bob OKAZAKI (Le patron du Sushi), Carolyn DEMIRJIAN (La prostituée), Kelly HINE (la strip-teaseuse), Rose MASCARI (Patron de bar).

Durée : 1 h 56.

Sortie US le 25 juin 1982

Los Angeles, 2019.

la_20191Devenue une gigantesque mégapole surpeuplée, sale, cosmopolite, la ville de Los Angeles est le théâtre de l’évasion d’un groupe de « réplicants », androïdes organiques créés par l’homme pour l’aider dans le cadre de dangereux travaux pour la colonisation des planètes du système solaire.

A la suite d’une révolte, les Réplicants sont interdits sur Terre. Une unité spéciale de chasseurs de primes payés par la police est crée pour les traquer sur terre. Ce sont les « Blade Runners ».

A la suite de l'évasion de quatre Nexus 6, modèles des plus dangereux, intelligents, fort et agiles parmi les réplicants, Rick Deckard, ancien Blade Runner, doit reprendre du service, retrouver ses proies et les éliminer un par un. La recherche de ses deux hommes et de ses deux femmes s'avère difficile car ils sont semblables en tous points à l'être humain, à la différence près qu'ils n'éprouvent en principe aucune émotion... Mais est-ce si vrai que cela ?

Et si, un jour...

PS. Ci-suit, plus bas, j’ai indexé quelques photos du film, dont des photos tirées de séquences coupées au montage tel qu’on le connaît actuellement !!

Au début du 21° siècle, la Tyrell Corporation a permis à la robotique d'entrer dans la phase NEXUS : Un être en tout point identique à l'homme, connu sous le nom de Réplicant.

Les Réplicants du modèle NEXUS 6 sont d'une force et d'une agilité supérieure à celles de leurs généticiens, et d'une intelligence au moins égale.

Les Réplicants étaient utilisés comme main d’œuvre sur les colonies de l'espace, lors de missions d'exploration ou de colonisation de planètes extraterrestres.

Après la sanglante mutinerie d'une équipe de combat NEXUS 6 dans une colonie de l'espace, les Réplicants ont été déclarés illégaux sur Terre, et passible de la peine de mort.

Des unités spéciales de la police, les unités BLADE RUNNER, ont reçu pour ordre d'éliminer le moindre Réplicant présent sur Terre.

Il ne s'agit pas d'une exécution
Le terme employé est retrait

Fondu au noir.

l.a._culte_de_l_image2 Los Angeles apparaît. Torturée par la multitude de spinners vrillant le ciel brûlé par les cheminées géantes des industries locales, immense mégalopole enfumée, polluée, L.A., la cité des anges nous offre la vision d’un univers de Dante, infernal, surpeuplée et plus inhumaine que jamais. Telle est la première vision marquante du film. La patte visuelle de Ridley Scott est immédiatement reconnaissable, enchaînant ses plans sur la mégapole reflétée dans l’œil du Blade Runner Dave Holden, observant cet enfer urbain juste avant d’interroger Léon et se faire plomber par le réplicant découvert

Le film, réalisé par Ridley Scott (plus tard auteur de « Gladiator » ou, plus récemment, de Kingdom of Heaven ») constitue la seconde incursion du réalisateur de la science-fiction, et son troisième film après les « duelliste » en 1977 avec Harvey Keitel, et « Alien », premier film a mélanger de façon réaliste SF, film d’horreur et quotidien futuriste sale. Sortant de l’échec de la production « Dune » (lequel sera finalement réalisé par David Lynch, sous la houlette du producteur Dino De Laurentiis), il s’atèle donc à « Blade Runner », adaptation du roman de Philip K. Dick.

L’écrivain, auteur du livre « Blade Runner » (en fait titré ainsi après la sortie du film, le titre original étant « Do Androïds dream of electric sheept »), n’aura pas le temps d’assister à la sortie du métrage au cinéma : il décèdera peu avant et n’aura que le temps de voir les Rushes et le premier montage. Dick s’est toutefois révélé très ému devant l’adaptation de son oeuvre (il aurait pleuré en le voyant).

Le temps aidant, malgré l’échec financier du film à sa sortie, plus personne ne peut véritablement nier qu’il s’agit en effet d’une réussite (même si l’on pourrait critiquer un des aspects de celui-ci : La date à laquelle il se passe, à savoir 2019, sans doute trop proche par rapport à la technologie décrite... mais il y a peut-être une raison, dont je parlerais ensuite, à cela).

Le film, comme le livre, est une réflexion sur l’humain et sa nature. Si le livre nous épanche d’un débat sur le « Mercerisme », sorte de version SF du socialisme (soulignant la perte d’identité individuelle des humains au sein de la société – sujet couramment abordé dans le roman, qui a été écrit 20 ans après le « 1984 » de George Orwell), d’une Terre ravagée par les radiations (soulignant la perte d’identité physique des humains dans leur société...), et d’une réflexion sur l’Eugénisme (l’interdiction des humains irradiés, au patrimoine génétique muté, de quitter la Terre) face à l’homme nouveau (les réplicants, sans âme, plus fort, plus rapide et plus intelligents), le film s’implique davantage au conflit qui oppose l’homme à son double, le réplicant, sous l’angle de l’esclavage, de la liberté et de la différence, en nous gratifiant, tant qu’on y est, d’un débat sur les relations humaines au sein d’une société déshumanisée, tout en le doublant d’un autre sur la nature de Dieu et de ses rapports avec la science et ses créations (Cf. Le personnage d’Eldon Tyrell, présent dans le roman sous un autre nom, celui d’Eldon Rosen).

Les personnages, tout d’abord.

blade_runner_0072Nous avons Rick Deckard (Harrison Ford, au faîte de sa carrière), présenté comme un Bogart futuriste, un privé désabusé, solitaire, et écœuré par son travail. L’homme trouve refuge dans son appartement perpétuellement coupé entre l’ombre et la lumière, hanté par les photos de ce qui semble être sa famille (comme un moyen de se raccrocher à un passé hypothétique, une identité difficile à conserver dans ce monde cosmopolite qu’est devenu L.A.). Deckard/Bogart trouve son réconfort sur le balcon, un verre de whisky à la main, tandis que les spinners de la police défilent à toute vitesse à mi-hauteur de son building.

Deckard, prisonnier de son rôle de chasseur après que Dave Holden, autre Blade Runner, se soit fait descendre par l’un des réplicants recherchés, à savoir Léon Kowalsky (interprété par feu Brion James), a abandonné son travail parce qu’il commençait à ressentir trop d’empathie envers ses cibles.

Nous avons Roy Baty (le pas encore bedonnant Rudger Hauer, dans sans doute l’un de ses deux ou trois meilleurs rôles) brute en perpétuelle recherche de rédemption (« J’ai aussi fait des choses très discutable » dira-t-il à Eldon Tyrell), qui cherche à s’introduire dans la Tyrell Corporation afin de rencontrer son créateur, Eldon Tyrell, et découvrir un moyen de sauver sa femme, Priss (Daryl Hannah).

Nous avons Priss (Daryll Hanah, pas encore petite amie de feu John John Kennedy et ex mannequin par ailleurs sortie de « Splash » de Ron « boule de billard » Howard, Aka « Richie Cunningham » dans « Happy days »), justement, femme légèrement Lolita, championne de catch acrobatique (sic !), personnage froid, mais amoureuse de Roy, qui se prendra d’affection pour JF Sébastien, généticien de la Tyrell.

Zhora, le troisième réplicant du groupe d’évadés, trouve sa voie non pas en se cachant mais en se montrant... C’est par elle et son ami Léon que tout arrivera, que Deckard remontra la piste des Réplicants. Elle trouve sa liberté dans le spectacle, dans la reconnaissance de l’humain (sans que ceux-ci ne découvrent sa véritable identité). Zhora, par ailleurs tueuse pour le gouvernement dans sa vie de réplicante, rêve d’une vie d’opéra, de chant et de paillettes... elle se réfugiera lamentablement dans un bouge. « la belle et la bête, elle est les deux », comme le dit si bien le commissaire Bryant (l’esclavagiste même, raciste, qui ne parle que de « gueules d’humains » pour désigner les réplicants). Cette dichotomie entre la nature présumée des réplicants et leurs aspirations réelles reflèteront tout le fondement du film.

Le quatrième réplicant, Léon, lui, se trouve dans ses collections de photos, lesquelles font dangereusement écho à celle de Deckard, et sa recherche d’une famille (il tuera Holden après que celui-ci lui ait demandé quels souvenirs il a de sa mère...). Chacun d’entre eux recherche son propre humanité. Telle est le thème du film dont on retrouvera la solution dans le personnage clé de Rachel Tyrell (Rachael Rosen, dans le roman).

Le nœud de l’affaire.

blade_runner_010 Lorsque Deckard se rend pour la première fois dans le building de la Tyrell, afin de tester la méthode Voight-Kampf – il y découvrira trois choses. Un : les réplicants Nexus 6 ne bénéficient que de quatre ans de vie. Deux : que les réplicants n’éprouvent pas d’empathie et que la seule façon de les rendre à peu près humain est de leur implanter des souvenirs artificiels (thème que l’on retrouve d’ailleurs dans Total Recall, du même écrivain). Et trois, il découvre Rachel.

Rachel, pseudo nièce d’Eldon, n’est en fait autre que le réplicant de celle-ci, la vrai, la « donnante » ayant été perdue lors d’une mission dans l’espace. Rachel bénéficie de faux souvenirs lui donnant l’illusion d’être pleinement humaine. Rick utilise le test Voigt-Kampf sur elle, découvre la vérité : Tyrell expliquera à Deckard que les souvenirs sont le coussin émotionnel pour l’homme, et peuvent l’être aussi pour les réplicants qui – eux – n’ont que quatre ans pour apprendre des sentiments qui sont évidents pour l’homme. « Plus humain que l’humain », telle est la devise de Tyrell.

La question deviendra très vite : combien de réplicants ont bénéficié de cette technologie ? N’est-ce pas un moyen d’évasion idéal pour le réplicant en fuite ? (question qui m’amènera au spoiler le plus important du film, mais patience !).

rachael_et_deckard Rachel apprendra la vérité sur elle-même. Ne supportant plus sa condition de demi-humaine, elle s’évadera de chez Tyrell, se rendra chez Deckard comme pour le forcer à la rassurer. Vain espoir. Ses souvenirs sont factices et il lui ne lui reste que quatre ans de vie maximum.

Pourtant, et le nœud du problème est bel et bien là : si les réplicants perdent cette différence constituée par ses fameux souvenirs artificiels, qu’est ce qui les différencie des êtres humains ? Le seul fait de leurs quatre ans de vie ? Et dans ce cas, quelle est la valeur morale de leur condition d’esclaves ? L’esclave, autrefois, n’était pas considéré comme un être humain. Il était considéré comme un sous-homme. L’histoire se répète avec les réplicants.

D’autres questions : qu’est ce qui fait d’un être humain, un être humain, précisément ? Ses souvenirs ? Son éducation ? Son âme (et là, entre la problématique de Dieu, d’où la présence de Tyrell et du conflit moral de Roy Baty) ?

Les réplicants peuvent tuer. Mais les hommes en sont aussi capables (notamment Deckard, dont c’est le métier).

Les réplicants peuvent aimer. Roy aime Priss, et réciproquement, sans parler de Deckard et Rachel.

Les réplicants peuvent comprendre le sens de la vie. Roy finit par choisir de sauver Deckard, tandis que celui-ci est prêt à tomber dans le vide. Rachel sauvera Rick de Léon au moment où celui-ci manque d’être tué par le Réplicant. 

Les réplicants peuvent ressentir le manque affectif. Leon ne collectionne-t-il pas des photos de famille ?

Les différences fondamentales entre l’homme et sa création se sont effacées. A ce titre, l’on pourra rapprocher d’ailleurs le roman et le film « Blade Runner » d’une autre oeuvre classique plus ancienne et non moins remarquable : Frankenstein, de Mary Shelley. Là encore, déjà, la différence entre le créateur et sa créature s’efface au point qu’au final, la créature, pourtant meurtrière, ne  peut que remporter l’adhésion au détriment du créateur, le bon vieux docteur Frankenstein.

« Blade Runner » est donc, dans le fond une revisite de l’œuvre de feu la veuve du poète anglais Percy Shelley (lequel peut au passage remercier sa femme : il serait probablement oublié de l’histoire sans elle...).

rachael__la_salvatrice1 Les réplicants peuvent même apprendre, avec ou sans souvenirs implantés. Rachel sauvera la vie de Deckard, par amour. Roy Baty, au terme d’une course-poursuite cauchemardesque, malgré ses actes passés, finit par sauver la vie de Rick Deckard, pourtant venu pour le tuer, et lui fait une magistrale leçon de vie et de liberté, au travers d’une fascinante, magnifique et définitive description de sa vie passée dans l’espace :

« Si vous, humains, pouviez voir ce que j’ai vu... J’ai vu de longs navires en feu, dans l’ombre des portes de thannahauser... Et tous ces souvenirs se perdront comme les larmes au milieu de la pluie ».

roy_batty1 Cette même liberté se trouve sans arrêt illustrée par SCOTT avec cette image emblématique de Baty tenant une colombe (MAIS NON, CE N’EST PAS UN PIGEON, MECREANT ! LESE-MAJESTE !) entre ses mains avant de sauter par-dessus le gouffre qui fera de lui un être humain à part entière... Humain ou plus qu’humain ? Baty réussit là où Deckard échoue : sauter entre les immeubles. Deckard, notre Bogart de service, n’est qu’un être humain. Baty (géant blond... étrange manière d’inverser les « codes » de l’esclavagisme et du pseudo humain supérieur entre parenthèse, puisque ici, c’est l’humain supérieur, l’esclave. Et celui-ci, dans le film, n’est  théoriquement inférieur que sur le plan moral – un pied de nez aux idées malodorantes aussi amusant que bienvenu) lui est supérieur.

La famille.

L’homme, déshumanisé au sein de sa cité tentaculaire, de sa technologie (rapprochant au passage « Blade Runner » de la thématique de « 2001 ») doit faire face aux androïdes, produits de cette même technologie, lesquels, même aigris et perdus, semblent plus à l’aise dans leur univers. Les Réplicants représentent le pendant de la solitude de Deckard. Les réplicants, même seuls, sont solidaires les uns des autres. Roy et Priss sont le mari et la femme. Léon et Zorha sont les amis proches. S’ils n’ont pas d’enfants, Roy semble réagir avec JF Sébastien comme un père le ferait avec lui. Il joue avec lui, lui parle... tandis qu’à l’inverse, Roy et Priss, êtres artificiels, trouvent refuge dans le monde de Sebastien, peuplés d’automates en tout genre. Comme si les deux êtres n’étaient rien de moins que l’expression ultime de sa réussite technique, et son palliatif social et émotionnel. Sa famille. Ses robots et désormais Priss et Roy. JF Sébastien, être maladif subissant une maladie dégénérescente qui le vieillit plus vite que la normale, trouvera refuge et fantasme au milieu de ses inventions mécaniques. L’homme, au sein de sa technologie, est seul. Les réplicants - l’imitation de l’homme - ne le sont pas.  Deckard, l’humain, n’a pour lui que ses photos. Il ne trouvera qu’une proximité émotionnelle avec... une réplicante, autre création de Tyrell.

Et pour cause (spoiler) : dans la version initiale de SCOTT, Deckard se révèle être lui-même un réplicant, L’un de ceux qui se sont évadés, le mystérieux réplicant manquant dont il est fait allusion au début du film : lorsque Bryant donne l’affaire à Rick Deckard, il parle d’abord de six réplicants évadés. L’un d’eux est électrocuté, il devrait en rester cinq, mais on donne l’ordre à Deckard de n’en rechercher que quatre. La confusion est d’autant plus importante qu’au milieu du film, on nous sous-entend que Rachel est la mystérieuse réplicante manquante, or, celle-ci a toujours été au service de Tyrell et ne peut pas faire partie du lot des évadés.

En revanche, il est difficile de ne pas s’apercevoir que le comportement de Deckard se rapproche souvent de celui de Léon (la collection de photos), sans parler du fameux rêve de licorne qu’il fait au milieu du film (la licorne étant un symbole du Dieu dans la création). Deckard serait alors un réplicant qui se serait fait implanter une mémoire artificielle et qui aurait tout oublié de ses véritables origines.

deckard_au_chevet_d_holden2une_image_in_dite___holden_et_deckard___l_hosto_2encore_une_photo_in_dite1

D’après les dires de Scott lui-même, Rick Deckard est bel et bien un réplicant, et l’on aurait une partie de la clé du mystère lors deux séquences coupées au montage, séquences qui montraient Holden, sur son lit d’hôpital (après qu’il se soit fait tiré dessus par Léon dans l’immeuble de la Tyrell Corporation), et Rick discutant ensemble de l’affaire (je rappelle que le film a été remonté et que Ridley Scott n’a pas eu le bénéfice du director’s cut).

br___licorne3 La fin, lorsque Deckard découvre la licorne de papier, laissé par Gaff, le flic interprété par Edward James Olmos, prendrait alors un tout nouveau sens : au lieu de n’y voir que le seul refus définitif du système, nous aurions un Deckard assumant pleinement sa nature d’homme traqué, de réplicant d’avance privé de vie et de destin, s’enfuyant – sans aucun doute en vain – dans la nature au bras de Rachel, autre réplicante, tels des "Adams et Eve" fuyant le paradis technologique dont ils sont issus. Ce qui nous donnerait non plus seulement une fin pessimiste, mais un nouveau symbole, puissant,  à la fois représentatif du rapport entre Dieu et ses créatures,  et du rapport entre l'homme et ses créations... Les deuxièmes choisissant de couper le cordon avec le premier pour disparaître dans la nature, libres mais traqués. Une (très belle et triste) fin qui résout la totalité des enjeux et des questionnements présentés d'une seule pièce. Le coup d'éclat final, à l'heure d'aujourd'hui, amputé de son information maîtresse - le Deckard réplicant, donc - permettant une analyse complète de cette fin (excepté quand on connaît le spoiler en question bien sûr ! Et encore... Tant qu'on aura pas vu le premier montage du film...). 

Les créatures sont devenues humaines, Désormais dotées d’un véritable libre-arbitre, plus rien ne les distingue de leurs créateurs.

Le créateur et l’enfant prodigue.

Le très kubrickien Joe Turkel (il jouait « Lloyd le barman fantôme » dans le "Shinning" adapté du roman de Stephen King par Stanley Kubrick – 1980, et dans les sentiers de la gloire du même auteur - 1958), froid comme la glace, inhumain, semblant éprouver encore moins d’empathie pour l’être humain que ses créatures, interprète Eldon Tyrell. Il aura, donc, dans le fond, crée les réplicants à son image. Pourtant, recherchant « le plus humain que l’humain », il trouvera sa pleine satisfaction avec Roy Baty, capable, lui, d’éprouver des sentiments. Nous avons donc d’un côté Tyrell, personnage solitaire, distant, et enfermé dans sa tour au milieu d’un monde surpeuplé, qui se recrée une famille à son image via ses créatures. Et ses créatures en fuite, traquées, qui dépassent le stade imposé par le créateur et qui, frustrée par leur condition d’esclaves à la courte vie, finiront par détruire le créateur (comme le monstre de Frankenstein le fera pour les mêmes raisons dans le roman de Shelley). La thématique de la famille perçue subtilement par le biais d’un scénario brillant signé par notamment par David Peoples (auteur du scénario de « l’Armée des douze singes » - remake du court-métrage la « jetée », de Chris Marker – 1962 - réalisé par Terry Gilliam en 1995. Et auteur, par ailleurs du script de « Soldier », film réalisé par Paul Anderson – 1998 – avec Kurt Russel. Il faut noter que « Soldier » a été initialement conçu comme étant une « sidequelle » à « Blade Runner », les deux films se déroulant dans le même univers. Dans Soldier, métrage qu’Anderson a généreusement foiré, on peut d’ailleurs distinguer un spinner sur la planète « poubelle », à l’endroit où le sergent Todd finit après son propre « retrait ». Par ailleurs, Todd, joué par Russel, a participé à la bataille de Thannahauser, comme le personnage de Baty dans « Blade Runner »).

les_pyramides_de_tyrell1 Tyrell, Dieu froid, essentiellement cérébral, finit assassiné sous le coup de l’émotion ressentie par ses créatures, sous le regard de JF Sébastien (dont le destin est un peu flou, dans le film – quoique dans les romans qui font suite au film, le personnage en question est « ressuscité » et utilisé d’une façon qui rappelle beaucoup le personnage de "Mercer" du roman original). Le créateur, fier de sa création, a trop bien réussi sa créature et en paye le prix lors d’une séquence pour le moins douloureuse et légèrement rallongé pour la version cinématographique de 1989.

La ville tentaculaire.

Pleinement un symbole de la société moderne, la cité, notamment L.A. (l’une des plus grandes villes du monde, en terme de superficie) est un monde envahi par la technologie, comme par un cancer : les vieux immeubles sont surplombés par de nouveaux, construits sur les fondations de l’ancien. Les voitures, anciennes, sont transformées en voiture moderne, le ciel est envahi de publicités (de marques connues, dont certaines ont d’ailleurs disparue depuis), de dirigeables prônant l’évasion de l’espèce humaine dans l’espace, et de spinners (de « glisseurs », en français). L’on retrouve même cet aspect « Cancer » sur la population elle-même : le mélange entre la tradition envahi par la technique (les parapluies-néons), les langues difformes (Gaff parle un patchwork, un « argot » des rues, mélange d’un peu toutes les langues parlées dans L.A.), certains figurants arborent des yeux artificiels ou des membres artificiels... la météo rendue folle par la pollution des industries... La perte de l’humanité, bouffé par la technologie, est partout, et non seulement dans les relations humaines. Sur ce plan, le film pourra être rapprocher (d’une toute autre façon) de « Silent Running » dont j’ai parlé plus tôt. La ville dévorante s’oppose totalement en terme de contradiction avec l’humanité naissante des Réplicants, face à la déshumanisation de l’espère humaine. Prélude d’un avenir voulu comme réaliste dans le film, la ville se fait acteur dans "Blade Runner" – plus que n’importe quel autre film – pour entrer de plein pied dans la thématique des personnages présentés. A ce titre, la proximité de la date « 2019 », et son mélange de technologie ultra-futuriste et de style passéiste se révèle être un choix logique et en définitive justifié.

blade_runner_009Voilà donc ce qu’est « Blade Runner » : un long questionnement qui pourrait se résumer à « qui sommes-nous » ? (homme ? créature de Dieu ?), « que sommes-nous ? » (la famille, les relations humaines), et « où allons-nous » ? (l’évolution des Réplicants, la société urbaine environnante, la déshumanisation), et au final un questionnement sur l’autodétermination. Blade  Runner", loin d’être un film d’action, est un chef-d’œuvre qui prend son temps, qui s’attache aux relations entre les personnages, leur nature et leurs univers respectifs, une fable immense et philosophique, noire, sur la destinée humaine.

Il faut souligner, pour finir, que KW JETER, auteur de SF "Cyberpunk", a écrit trois romans faisant suite au métrage.  A l’instar du film, ils « adaptent » (surtout le 2, en fait) d’autres éléments ou personnages du roman originel de DICK non-traités dans le premier film : le Blade Runner Andersson – sorte de transposition du Phil Resh dans le roman, Holden, Hannibal Sloat et sa clinique vétérinaire ou même les donnants de Roy Batty et Sarah Tyrell en sont des exemples.

Le pitch de Blade Runner II :

Sarah y vient donc chercher Deckard dans sa retraite – où il se cache avec une Rachel maintenue artificiellement en vie – pour l’envoyer en mission rechercher le dernier réplicant (le fameux sixième réplicant – le roman fait donc l’impasse sur la version de Scott)

Dans le troisième opus, Deckard et Sarah, en fuite sur Mars, se retrouve face à une machination liée à la prise de pouvoir de la Tyrell Corporation... en plein tournage du film « Blade Runner » mettant en scène l’aventure de Deckard lors du premier opus !! KW est un petit plaisantin, donc... J’avoue que si le deuxième présente un intérêt (court : l’ouvrage, publié dans la collection « millénaires » chez « J’ai lu » ne fait 270 pages), le troisième, chiche en action, moins en révélation, est assez lourdaud à lire. Il se termine par le départ de Rick vers les colonies de l’espace

Je n’ai pas lu le suivant, titré : "Blade Runner 4, Eye and Talon", toujours du même auteur. Il est disponible en import semble-t-il (peut-être à Groland, aussi, je ne sais pas...).

http://fr.wikipedia.org/wiki/Blade_Runner_(romans)

Pour d’autres infos, sur le DVD et le film :

http://www.ecranlarge.com/dossier-81.php 

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Commentaires
C
Eh bien RV sur le site! Tu y croiseras tout un tas de gens sympa!
N
Je viens de m'inscrire avec mon pseudo "Nio" mais pour l'instant, mis a part une signature faite main (700 x 200 j'espère que ça ira) et l'avatar d'une actrice que j'aime beaucoup et que je met sur d'autres forums, je n'ai encore rien fait. J'explorerais demain au boulot pendant mes temps libres... :)
C
ok, il m'avait semblé voir quelques références ci et là, dans tes articles. Vu que visiblement, on aime le même cinoche (de genre, donc), faut pas hésiter à venir surfer sur le site mad-movies.com, lol, ca fera un "madnaute" de plus. Si tu n'y es jamais allé, autant te prévenir, comme on est entre passionnés, on a des avis de passionnés... et des discussions tout aussi passionnés (houleuses, donc, arf - et parfois, ça va loin. Y en a même qui se font jeter, mais faut vraiment jouer l'agressivité et ne jamais argumenter ses avis, pour ca). Mais ca vaut la peine, on y croise assez régulièrement des gens intéressants. Parfois mêmes des gens du métier, ou qui s'efforcent de l'être. Et un fan de Dune, de la trilogie des morts-vivants ne peut être que le bienvenu... (bon, je te préviens aussi, la plupart n'ont pas kiffé le dernier Supe, ce en quoi, comme tu l'as vu, je ne suis pas d'accord avec eux. Grâce au ciel, il y en a aussi qui ont vu le film à sa juste valeur). Si tu t'y inscrit, file moi ton pseudo. Moi, c'est "chris".
N
Jamais allé sur le site de mad movies, par contre il est vrai que je l'achète de temps en temps chez le libraire. J'aime bien ce ptit magasine...
C
En fait, j'étais au courant. J'ai un pote, Erwan (Air-one, qui passe sur le site de mad, parfois), qui m'en a parlé... J'espère pouvoir voir cette version au cinoche, le jour venu. Dans le cas contraire, c'est DVD direct et obligatoire... En tout cas, je n'attends que ça.<br /> <br /> Question con, lol, j'ai l'impression, en lisant ton blog, que tu surfes sur le site de mad movies. Comme les pseudos varient souvent d'un site à l'autre, je me demandais quel était le tien, histoire de mieux te situer, arf!<br /> :-)
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