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L'Ombre hait la Lumière
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14 avril 2006

Silent Running, le film écologique

Silent Running.

silentrujaq Réalisateur : Douglas TRUMBULL. Scénario : Deric Washburn/Michael Cimino/Steven Bocho. Production : Michael GRUSKOFF/Marty HORNSTEIN/Douglas TRUMBULL. Musique : Peter SCHICKELE/Joan BAEZ (chanson). Maquillage : Dick DAWSON. Effets spéciaux : Vernon ARCHER/John DYKSTRA/R.L. HELMER/Richard O. HELMER/Marlin JONES/James RUGG(Special Effects)/Douglas TRUMBULL (Special Photographic Effects)/Richard YURICICH (Special Photographic Effects). Décorateur : Francisco H. ARONSON. Année de sortie : 1971.


Interprètes : Bruce DERN (Freeman Lowell), Cliff POTTS (John Keenan), Ron RIFKIN (Marty Barker), Jesse VINT (Andy Wolf), Steve BROWN (Drone), Mark PERSONS (Drone 2/Huey), Cheryl SPARKS (Drone 1/Dewey), Larry WHISENHUNT (Drone)
Joseph CAMPANELLA (la voix du Capitaine Berkshire), Roy ENGEL (la voix d’Anderson).

   Synopsis :

   Nous sommes en l’an 2001. Suite à une guerre nucléaire, la végétation a disparu. Dans l’attente que l’atmosphère terrestre permette une renaissance de la nature, des espèces végétales sont placées dans l’espace au sein d’immenses vaisseaux spatiaux en transit dans le système solaire. Chacun d’entre eux transporte d’immenses hémisphères transportant, protégeant les dernières végétations de la Terre entretenues par des botanistes en poste à bord.

   Freeman Lowell est l’un d’entre eux...

   Lowell et son équipe, à bord du « Valley Forge », reçoivent l’ordre de détruire les dernières serres transportant tout ce qui reste de la végétation terrestre. Freeman, seul homme à bord à posséder une véritable conscience de leur action, tente en vain de convaincre ses trois compagnons  de ne rien y faire. Pris dans un dilemme, entre ses coéquipiers qui ne pensent à rentrer sur Terre sans s’intéresser à l’importance de leur mission, il assistera, impuissant, au délestage puis à la destruction à coup d’armes nucléaires des hémisphères. Pour eux, dans cet univers porté par l’industrialisation, porté par la société de consommation, rien ne compte vraiment.   

   L’homme n’est plus en osmose avec la nature, préférant la nourriture en pilules, sans goût mais rentable...

   La nature doit être sacrifiée sur l’autel de la rentabilité.

   Freeman Lowell, dont le jeu est transcendé par Bruce DERN (acteur trop souvent oublié de cet autre chef-d’œuvre qu’est « on achève bien les chevaux » de Sidney Pollack, et tant qu’on y est, papa de Laura... laquelle à joué notamment dans « Jurassik Park »), dépasse alors le point de non-retour en choisissant la solution la plus terrible : il tue ses compagnons (dont le jeune Ron RIFKIN, futur « Sloane » dans la série Alias...), s’échappe à bord de son vaisseau pour disparaître dans les anneaux de Saturne en faisant croire à un accident.

   Seul, il organisera sa vie avec les Drones pour continuer sa mission : entretenir les derniers dômes, sauver les dernières végétations, et sauver l’Homme de lui-même... malgré lui.

sil1a   Pourtant, il sera rattrapé par son destin. Les autres transporteurs finissent par retrouver sa trace. Tel une figure christique, salvatrice, il choisira de faire exploser son vaisseau – pour de vrai, cette fois –  à l’aide des bombes atomiques placées à bord pour annihiler les hémisphères. Au préalable, il larguera l’ultime dôme dans l’espace, avec les drones à l’intérieur. Celle-ci s’éloignera dans l’espace avec la musique déchirante de Joan Baez.

   « Silent Running » est sorti en plein âge hippie, à l’époque où commencent les préoccupations liées à l’écologie, l’époque où commence à « sévir » les groupes tels que Greenpeace et où l’on commence à prendre conscience que la Terre est en péril. Le métrage appartient donc complètement à son époque.

  « L’argent ne se mange pas ».

   On peut voir le film comme un écho à cet autre film, dont j’ai précédemment parlé, à savoir « 2001 ». Le film de KUBRICK plaçait l’espoir (tout de même un peu critique) de l’humanité dans la science. Il décrivait un univers où l’Homme abandonnait son humanité pour sa technologie, sa mutation en Dieu en devenir.

silent_garden   « Silent Running » pourrait être vu comment étant l’antagonisme du chef-d’œuvre de KUBRICK. Au terme du métrage, l’Homme, loin d’avoir changé, est plus cynique et inconscient de ses actes que jamais et l’homme s’est dissocié de la nature qui l’a mis au monde au point de risquer son avenir. « Silent Running » est bien plus critique, sombre que ne pouvait l’être « 2001 », sorti seulement trois ans auparavant. Durant tout le film, nous voyons un équipage se gausser des opinions de Lowell, le poussant ainsi aux choix les plus extrêmes. Nous découvrons un Freeman (qui prendra donc ses décisions en « homme libre », donc) tenter l’impossible tandis qu’il se retrouve seul, entouré, entouré, aidé, de la technologie même qui est à l’origine de la destruction prochaine de l’humanité. Lowell développe des relations « humaines » avec les Drones, fait des courses de karts, seul, perdu à l’intérieur du « Valley Forge ». Mais il n’est plus en osmose avec son univers... pas plus que ses compagnons (« l’homme moderne ») ne l’était avec la nature la nature. Lowell n’a donc plus sa place nulle part, de même que l’Homme, perd sa place dans la nature anéantie, au profit de la technologie. La seule échappatoire de Lowell deviendra sa propre disparition et, c’est l’ironie du film, passera la main aux Drones pour l’entretien de la dernière serre.

   La machine a remplacé l’homme dans son harmonie avec la nature.

  La boucle est alors bouclée.

   Visuellement, la comparaison avec « 2001 » est tout aussi immanquable... un peu au détriment du film de TRUMBULL, il faut bien le dire. Tout d’abord, le budget pour les deux films n’ont pas été les mêmes (l'enveloppe de "Silent Running" était d'un million trois cent mille dollars, sfx compris). Ensuite contrairement à l’Odyssée, aucun scientifique n’a participé à l’élaboration du film et la conséquence évidente est que d’un point de vue exclusivement graphique, le film n’a pas la même tenue que le métrage du grand Stanley, alors même que les techniques utilisées pour l’élaboration des deux films sont les mêmes. Il subsiste toutefois de beaux restes : si on exclue le fait que le film sent parfois (pas trop souvent quand même... Ca reste quand même du TRUMBULL, le grand maitre de l'époque, donc respect!) la « maquette », les effets restent très bien filmés et certains intérieurs tiennent aussi toujours très bien la route. Visuellement, que ce soit « 2001 » ou « Silent Running », certains décors intérieurs annoncent déjà l’autre chef-d’œuvre à venir, sept ans plus tard, qu’est « Alien » de Ridley SCOTT (et frère de Tony « Man on Fire » SCOTT). Du point de vue de la réalisation, nous sommes face à un film lent, sans violence, et filmée de façon assez classique. L’on retrouve les codes désormais imposés par KUBRICK : la musique omniprésente, le silence de l’espace (les vaisseaux ne font pas de bruit, contrairement à ceux de Star Wars) et une approche « réaliste » de la conquête spatiale. Le propos reste très bien illustrée : les serres sont anéanties par les armes nucléaires, celles-là même qui ont tout ravagé sur Terre (l’Homme commet toujours les mêmes erreurs), les machines prennent le pas sur l’Homme (l’Homme abandonne son humanité... non pas à son bénéfice comme dans « 2001 », mais à son détriment) comme le montre d’ailleurs l’humanisation progressive des drones de Lowell (lesquels se montrent émotifs lors de la perte de l’un des leurs... tandis que Lowell n’hésite pas, lui, à éliminer ses collègues), et la fin est magnifique de poésie, avec cette serre botanique vide, entretenu par le dernier drone et voguant tel un îlot dans l’infini, illuminé comme un sapin de Noël sous la musique de Joan BAEZ. On ressent alors un grand pincement au cœur qui fait de ce film une petite perle mésestimée et désormais méconnue*.

   "Silent Runing" est donc un très joli film à découvrir.

   Douglas TRUMBULL, fort de son expérience et de sa renommée acquise sur « 2001 » (l’on notera au passage que « Silent Running » se passe la même année), passe donc à la réalisation avec ce premier film située dans une mouvance assez comparable et pourtant si opposée. L’on pourra ne pas manquer d’observer la présence au générique de Michael CIMINO (futur réalisateur de « l’année du dragon » ou de « Voyage au bout de l’enfer », sans parler du légendaire « porte du paradis », film qui a littéralement coulé tout un studio...) au scénario ou de Richard YURICICH (déjà employé sur « 2001 », et l’un des futurs artisans de « Blade Runner » (1982 - Ridley SCOTT), de « Rencontre du troisième type » (1979 - Steven SPIELBERG), de Brainstorm (1983 - Douglas TRUMBULL) ou « D’Event Horizon » (1997 - Poul ANDERSON)) aux effets spéciaux.

  « Silent Running » a été primé au festival de Trieste en 1972.

   TRUMBULL réalisera son deuxième film en 1982 avec « Brainstorm » (sorti en 1983). Brainstorm, qui comptera aussi Christopher WALKEN en rôle principal, restera dans l’histoire du cinéma comme étant le dernier film de Nathalie WOOD, morte noyée durant le tournage. La même année, il supervisera les effets spéciaux de « Blade Runner ».

   Le pitch de Brainstorm : Un scientifique, joué par WALKEN, crée un casque susceptible d’enregistrer les souvenirs comme on enregistre une chanson à la radio... En mode lecture, son invention permet revivre dans leur intégralité, lesdit souvenirs. Tandis que l’armée tente de lui voler son invention afin de l’utiliser comme moyen de torture, l’une de ses collaborateurs décède en les en empêchant. Walken récupérera l’enregistrement et entreprendra alors un voyage qui l’emmènera dans l’au-delà, grâce au souvenir de sa collaboratrice.

   Brainstorm est un film à (re)découvrir, notamment pour sa réelle poésie visuelle.

silent_running_dvd *Quoique le film ait acquis un petit statut culte ces dernières années. Le DVD est vendu dans les grandes surfaces à très bas prix. NB. Il existe aussi, depuis peu, un coffret collector comprenant un reportage sur la création des effets spéciaux du film. A ne pas manquer !

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